Coup d’Etat au Niger – Rôle des femmes dans la promotion de la paix et la sécurité

Adama Dawaki au studio Kalangou. Fondation Hirondelle
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Interview d’Adama Dawaki, Cheffe d’édition « Le Niger sur Kalangou », Studio Kalangou Niger, menée par Céline Kohlprath, Responsable de la communication et des relations publiques

Studio Kalangou est un programme radiophonique quotidien d’information en 5 langues diffusé par 52 radios partenaires qui couvre près de 80 % de la population nigérienne. Depuis le coup d’Etat dans le pays le 26 juillet dernier, Studio Kalangou avec ces 50 journalistes et correspondant·es maintient sa mission première, à savoir divulguer une information fiable et diversifiée à l’ensemble des Nigérien·nes. Adama Dawaki, Cheffe d’édition de l’émission « le Niger sur Kalangou », nous explique l’importance d’inclure les femmes dès les premières étapes des négociations de paix.

À la suite du coup d’Etat, les femmes sont-elles présentes à la table des négociations?

Malheureusement, elles sont exclues des pourparlers internes et des négociations diplomatiques internationales menées par les pays de la CEDEAO et hors du continent. Cette situation est regrettable et il faut que cela change. Les femmes devraient avoir la possibilité de participer au dialogue politique dès le début de la crise plutôt que d’intervenir seulement lors des phases de médiation ultérieures. Ce sont les femmes qui sont les plus impactées par les questions de sécurité humaine. En tant que responsables du foyer, des enfants, elles sont en première ligne dans la gestion des crises qui frappent leur communauté ou appelées à rétablir le dialogue. L’expérience démontre que la participation des femmes aux pourparlers conduit à une paix plus pérenne.

À quels obstacles les femmes journalistes ayant pour but de couvrir des thèmes politiques ou sécuritaires sont confrontées ?

De plus en plus de femmes journalistes rejoignent les différentes rédactions du pays, mais nous restons sous-représentées. Malheureusement, les hiérarchies et les stéréotypes perdurent. Rares sont les femmes journalistes qui couvrent des enjeux politiques et sécuritaires. Certaines rédactions remettent en questions les compétences de mes conseures journalistes lorsqu’elles proposent des sujets sur la politique ou la sécurité. Les rédactions les limitent aux sujets de société. Le chemin est donc encore long, mais pas impossible. À titre personnel, j’ai toujours souhaité aller sur le terrain, échanger avec les communautés et les femmes et hommes politiques pour intensifier l’impact de mon travail. Au fil de ma carrière, j’ai pu développer un carnet d’adresses intéressant. Je travaille depuis sept ans au Studio Kalangou et dorénavant avec d’autres consœurs en charge de l’émission « Le Niger sur Kalangou », un magazine d’information pluridisciplinaire et national. Nous cherchons, également avec nos collègues masculins, à donner la voix aux femmes lors de débats et de forums. Malheureusement, il n’est pas toujours facile de trouver des interlocutrices. Pourtant dans le pays, la participation citoyenne des femmes est plus élevée que celle des hommes. Lors des processus démocratiques, la majorité des votes provient des femmes. Il est de notre devoir de leur donner une voix pour qu’elles soient davantage entendues et prises au sérieux au sein de notre société.

Les dénouements politiques différeraient-ils si les femmes étaient plus entendues ?

Il est difficile de le dire. Toutefois, il est certain que les femmes ont un accès privilégié à la résolution des conflits, en raison de leur ancrage au sein de la communauté, qu’elles peuvent refléter et dont elles peuvent se servir pour ainsi influencer les pouvoirs publics. Ignorer la voix des femmes sur les enjeux de sécurité peut avoir des conséquences dramatiques. Je suis par exemple originaire de la région de Tillabéry. Cette région, située à la convergence des frontières du Niger, du Mali et du Burkina Faso, est depuis une dizaine d’années le théâtre de confrontations intercommunautaires et de la dégradation de la situation sécuritaire due à la présence de groupes armés non identifiés. Les agriculteur·rices n’ont plus accès à leurs champs et les populations ont faim. Près de 100’000 personnes ont fui la région à ce jour. Les femmes de cette région le disent depuis longtemps, une telle situation ne peut perdurer.

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