Priver la machine de guerre de ses ressources

Tetiana Shyshkinkina/Unsplash
cfd - l'organisation féministe pour la paix
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Chaque jour, nous sommes témoins, à travers les informations et les images, des souffrances indicibles causées par les guerres. Comment mettre un terme à la guerre en Ukraine ? Cette question nous hante. Il est temps de nous intéresser au financement de cette guerre.  

Depuis le début de l’offensive brutale et menée en violation du droit international par l’armée russe contre l’Ukraine, nous assistons à une multiplication des demandes d’armement et des discours autour de la sécurité militaire. Au cours du premier semestre 2022, la Suisse a exporté du matériel de guerre pour quelque 517 millions de CHF. Ce chiffre dépasse de loin celui de la première moitié de l’année 2020, considérée jusqu’à présent comme l’année record. De même, le discours public suggère invariablement que la situation géopolitique mondiale actuelle ne laisse aucune alternative et que seul l’armement ouvre la voie à un avenir plus sûr et plus pacifique. Plutôt que de compter sur les armes pour promouvoir la sécurité ou même la paix, notre organisation pacifiste féministe, engagée depuis longtemps en faveur de la démilitarisation et de la paix dans une perspective féministe, se demande plutôt comment priver les états agresseurs – en l’occurrence la Russie de Poutine – des armes et des ressources nécessaires pour mettre fin à cette guerre le plus rapidement possible. Il ne s’agit pas d’une problématique nouvelle et nous ne sommes pas les seul·es à la soulever. Pourtant, elle est plus urgente que jamais au vu de la profonde souffrance que provoque la guerre d’agression russe. Car ici, en Suisse, nous sommes loin d’avoir épuisé tous les instruments de la politique de paix pour contribuer à la fin de cette guerre.

La nécessité d’une redistribution

Au-delà de la nécessité de stopper les énormes flux financiers vers les régimes belliqueux, bien d’autres raisons justifient une meilleure régulation du négoce de matières premières en Suisse. La guerre contre l’Ukraine a fait flamber les prix de l’énergie dans le monde entier. Les multinationales, les banques suisses et les marchés de matières premières comme Zoug peuvent ainsi continuer d’accroître leurs bénéfices. Si en Suisse l’inflation qui en résulte pèse particulièrement sur les ménages aux revenus les plus faibles, la situation est encore plus dramatique au niveau mondial. En raison de la pandémie et des conséquences de la guerre contre l’Ukraine, 95 millions de personnes supplémentaires ont dégringolé vers la pauvreté absolue l’année dernière, selon la Banque mondiale. Dans son rapport « Profiting from Pain » publié à l’occasion du Forum économique mondial de Davos, l’organisation humanitaire Oxfam estime même que ce chiffre serait plus de deux fois supérieur. Oxfam appelle les gouvernements du monde entier à taxer davantage les entreprises et les superprofits et à utiliser ces recettes pour atténuer les conséquences de la crise, renforcer les systèmes d’éducation, de santé et de sécurité sociale et tendre vers l’équité vaccinale à l’échelle mondiale. Il est grand temps de mener ce débat sur la redistribution des profits faramineux réalisés aux dépens de personnes déjà fortement marginalisées. Et c’est précisément l’objectif et la volonté d’une politique de paix féministe : analyser  les structures de pouvoir et les liens entre la pauvreté, les conflits et les intérêts économiques et géopolitiques, mettre en évidence les injustices mondiales, la répartition inégale des ressources et leurs causes structurelles et, surtout, se demander également qui en est responsable.

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